Avec un grand Ministère de la Cohésion des Territoires, le logement doit sortir grandi : point de vue de Yann Jéhanno, Président de Laforêt

Mis à jour le 02.12.19
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Monsieur le Ministre, je vous adresse tout d’abord mes félicitations pour votre nomination. Un Ministère de la « Cohésion des Territoires » … Lors de l’annonce de la création d’un tel portefeuille ministériel, il y a quelques semaines, notre secteur a été quelque peu surpris que le traditionnel Ministère du Logement, véritable « institution » de la Ve République, ait été avalé, « sacrifié » ont même osé dire certains sur l’autel de la Cohésion des territoires. Pour ma part, je veux au contraire m’en réjouir. Cela représente, en effet, une opportunité extraordinaire, pour ne pas dire unique, dont j’attends beaucoup, d’autant que le résultat des élections législatives assure maintenant une majorité confortable à votre gouvernement.

Oui à l’intégration du logement dans une vision territoriale globale

Pour être honnête, je comprends que quelques dents aient grincé à l’annonce de l’intitulé de votre ministère : la profession de l’immobilier est encore échaudée par le dernier quinquennat, qui a cruellement manqué de stabilité (3 ministres en 5 ans), sans par ailleurs tenir ses promesses. Cette mandature qui s’est employée à stigmatiser notre profession, a donné naissance à des réformes catastrophiques pour notre secteur : encadrement des loyers, plafonnement des honoraires de location, entre autres.

De mon côté, je suis convaincu qu’intégrer le logement dans la cohésion des territoires est une très bonne chose. Cela devrait vous permettre de mener une véritable politique du droit au logement en France qui ne peut, en effet, exister que si elle est pleinement connectée à la création d’infrastructures de communication, à l’implantation d’entreprises, à l’émergence de bassins d’emploi. Le logement dépasse la simple construction ou la réhabilitation. C’est un sujet transverse, qui inclut autant le maillage économique que la revitalisation de nos campagnes, la transition énergétique ou encore l’équipement du territoire.

Réinvestir les territoires pour retrouver une dynamique

La France devrait aujourd’hui avoir comme priorité de sortir d’un système centralisé, où l’essentiel des richesses, des décisions économiques et politiques sont concentrées dans sa capitale. Le Président Macron évoquait dans son programme un choc de l’offre de logement dans les zones tendues. Mais quelle est la solution pour une ville comme Paris ? Revenir à l’urbanisme des années 70 en multipliant les immeubles de grande hauteur ? Les possibilités sont limitées et il va falloir faire avec. L’une des solutions pourrait être d’inciter les entreprises à implanter leurs sièges sociaux en dehors des centre-villes et des grands centres d’affaires. Ainsi, en mettant l’emploi à proximité des lieux de vie, partout en France, nous renforcerions l’attractivité des régions, décloisonnerions les banlieues, améliorerions significativement la qualité de vie de nos concitoyens, tout en résorbant la fracture qui existe entre la France urbaine et la ruralité.

Dans le cadre d’une politique publique plus franche en faveur du développement économique des métropoles, vous pourriez par exemple simplifier et étendre le dispositif des zones franches afin de privilégier l’implantation des entreprises sur les aires métropolitaines. Il y a une vraie politique d’urbanisme à mener, incluant ces formes de renouvellement. Il serait également souhaitable d’accélérer la rénovation urbaine, de casser les phénomènes de banlieues où la population des grands ensembles se trouve séparée des zones d'emplois et parfois des commerces. Une vision globale est donc nécessaire, qui ne se limite pas au logement et c’est en ce sens qu’un Ministère de la Cohésion des Territoires prend toute sa dimension. Sans un objectif ambitieux, clairement défini, nous continuerons à subir des politiques déconnectées les unes des autres. Il est impératif de donner un nouvel élan à la reconstruction de nos territoires.

Agir sans attendre

Pour revenir au logement en tant que tel, de nombreuses mesures devraient être prises sans délai. Parmi les prioritaires :

Faire revenir les investisseurs. Pour cela, il faudrait assouplir la réglementation du marché locatif et mettre un terme à l’encadrement des loyers, dès la conclusion des nouveaux baux. Dans les faits, cette mesure s’est avérée contreproductive et dissuasive. Elle n’incite pas les bailleurs à réaliser les travaux d’entretien de leurs logements, qu’ils n’auront pas les moyens financiers de réaliser ou qu’ils ne seront pas à même d’amortir. Au contraire, il est temps de reconnaître un statut au bailleur privé, qui investit ses fonds, s’endette et assume des risques. Nous devons être en mesure de lui proposer un environnement juridique et fiscal pérenne, à même de le rassurer et de relancer l’investissement locatif.

Faire face au défi de la rénovation énergétique. Accélérer et inscrire dans la durée le renouvellement du parc immobilier existant constitue un enjeu majeur. Il reste, en effet, le principal filon d’économies d’énergie à court comme à long terme. Dans cet esprit, la simplification des aides aux travaux de rénovation énergétique nous apparaît comme une action prioritaire. Les ménages sont aujourd’hui confrontés à une multitude de dispositifs méconnus, soumis à des critères d’éligibilité complexes et qui visent des objectifs parfois contradictoires.

Il vous faut promouvoir les bénéfices associés à la rénovation énergétique et simplifier les modes de financement pour réhabiliter les logements. Lever les freins qui empêchent aujourd’hui les Français d’engager ce type de travaux.

Enfin, améliorer la fluidité du marché. De par leur coût excessif, les droits de mutation à titre onéreux, communément dénommés « frais de notaire », représentent aujourd’hui l'un des principaux freins à la mobilité résidentielle de nos concitoyens. En plus de représenter une barrière dans l’accès à la propriété, cette taxe, payable en une seule fois, dégrade la trésorerie et la solvabilité des ménages qui sont empêchés d’acheter un bien correspondant à l’évolution de leurs besoins. Il conviendrait que ceux-ci ouvrent droit à un crédit d’impôt et qu’ils soient supprimés pour les acquisitions inférieures à 150 000 €.

Stabilité et dialogue : les deux impératifs pour réussir

Monsieur le Ministre, le secteur du logement a besoin de stabilité, ce dont nous avons cruellement manqué ces dernières années. Les propriétaires, les primo-accédants, les investisseurs privés comme institutionnels, doivent pouvoir se projeter dans l’avenir, sans se demander chaque année quelle nouvelle taxe ou quel dispositif contraignant vont sortir du chapeau.

Il faut aussi en finir avec une vision étriquée du logement et le replacer dans la globalité des enjeux territoriaux, ce qui semble être le cas au vu de l’intitulé de votre ministère. Pour cela, Monsieur le Ministre, vous devrez engager le dialogue avec toutes les parties prenantes du secteur, ceux qui connaissent le terrain, ses contraintes, ses leviers d’action et ses besoins. Nous sommes là pour vous aider à faire de votre mandat une réussite. Vous pouvez compter sur nous. 

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